letras

Revista Letras

EISSN: 2215-4094

Número 57 Enero-junio 2015

Páginas de la 129 a la 147 del documento impreso

Recibido: 4/4/2014 • Aceptado: 5/3/2015

URL: www.revistas.una.ac.cr/index.php/letras



Le défi de la perspective interculturelle en cours de FLE: Expériences en Équateur1

(El desafío de la perspectiva intercultural en un curso de FLE: experiencias en Ecuador)

Marion Ingrassia2

Universidad de Especialidades Espíritu Santo, Ecuador

Résumé

L’apprentissage du Français Langue Etrangère suggère l’échange avec une nouvelle culture, la culture française et plus largement la francophonie. Dans notre contexte d’enseignement, l’Equateur, l’acquisition d’une compétence interculturelle comme le préconise le Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues permet d’éviter des malentendus communicationnels. Dans le présent article, nous proposerons des stratégies pédagogiques mises en œuvre avec nos apprenants équatoriens permettant de créer des situations visant l’acquisition de cette compétence tout en prenant en compte les contraintes de notre milieu d’enseignement et en soulignant le rôle spécifique de l’enseignant dans le cadre de cette approche interculturelle.

Resumen

El aprendizaje del francés como lengua extranjera implica el contacto con la cultura francesa y la francofonía en general. En el caso de Ecuador, la adquisición de una competencia intercultural, según el Marco Común Europeo de Referencia para las Lenguas evita malentendidos comunicacionales. Este artículo plantea estrategias pedagógicas con estudiantes ecuatorianos para crear situaciones cuyo objetivo es la adquisición de esa competencia, al tiempo que toma en cuenta las limitaciones del medio de enseñanza y pone de relieve el papel específico del docente en el marco del enfoque intercultural.

Abstract

Learning French as a Foreign Language suggests an exchange with the French culture, that of the French-speaking world in general. The acquisition of intercultural competency, as recommended by the Common European Framework of Reference for Languages, prevents misunderstandings, as witnessed in Ecuador. The aim of this article is to propose pedagogical strategies implemented with Ecuadorian students to create situations that will permit the acquisition of this competency. We will also describe the limitations of these strategies and stress the important role of the instructor.

Mots-clés : interculturalité, FLE, compétence interculturelle, approche communicative, civilisation

Palabras clave: interculturalidad, francés como lengua extranjera, competencia intercultural, enfoque comunicativo

Keywords: interculturality, French as a foreign language, intercultural competence, communicative approach, civilization

Introduction

Utiliser le vecteur culturel pour enseigner le français permet d’attirer l’attention des apprenants par le biais d’un espace classe qui devient un espace d’échange et de discussion3. L’apprentissage du français devient alors implicite et ludique, aussi l’apprenant exploite-t-il ses connaissances dans le cadre d’une méthodologie communicative où il est question d’apprendre à interagir avec la culture de « l’Autre4 », dans notre cas il s’agit de la culture française et de la francophonie, incarnée plus exactement par une enseignante native, parisienne. Dès lors, communiquer dans une langue étrangère signifie entrer en contact avec une nouvelle culture. Néanmoins, sans une solide compétence interculturelle provenant tout d’abord de l’enseignant en tant que médiateur puis de la part de l’apprenant, des malentendus communicationnels sont souvent générés en classe de Français Langue Etrangère (dorénavant FLE). Comment les éviter et créer alors des contextes communicatifs permettant le dialogue des cultures (interaction entre la culture cible et la culture source5) et l’acquisition d’une compétence interculturelle répondant aux besoins des apprenants ?

Dans cette contribution nous ferons tout d’abord un bref aperçu historique des courants théoriques autour de l’interculturalité et son application dans le cadre de l’enseignement du FLE. Ainsi, dans ce domaine, nous rappellerons le passage de la notion de civilisation à celle d’interculturel. Ensuite, nous mettrons en valeur l’importance de son exploitation en classe de FLE, plus particulièrement en niveau B du Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues (CECRL), avec des apprenants équatoriens, afin de renforcer les acquis langagiers et interculturels. Dans cette deuxième partie nous expliquerons aussi la nécessité d’identifier et de prendre en compte les types de publics et les besoins spécifiques de nos étudiants de la Universidad de Especialidades Espíritu Santo (UEES) à Guayaquil (Équateur). Nous indiquerons également les contraintes liées à notre milieu d’enseignement. De plus, le rôle de l’enseignant sera mentionné, celui-ci ayant, selon nous, un statut particulier dans le cadre de l’enseignement de l’interculturel. Finalement, afin d’illustrer nos propos, nous exposerons des stratégies pédagogiques mises en place au cours de trois expériences réalisées avec nos apprenants équatoriens de niveau B permettant de créer des contextes visant à l’acquisition de la compétence interculturelle.

De l’enseignement de la civilisation à l’interculturel dans les manuels de FLE

La notion de langue ne peut pas être détachée de celle de culture du peuple qui la produit. Dans le domaine du FLE, elle est alors étroitement liée aux termes de civilisation, de culture et d’interculturel. Dans cette partie, nous allons revoir brièvement l’historique de l’apparition de ces notions en FLE afin de donner un cadre théorique à notre contribution qui évoque l’interculturel en classe de langue française.

Maddalena De Carlo dans son ouvrage L’interculturel6 retrace le parcours suivi par les manuels de FLE en ce qui concerne l’approche des aspects culturels présents dans la langue. Dans la tradition de l’enseignement du FLE, la civilisation était tout d’abord subordonnée à la littérature et visait à montrer la suprématie de la culture française comme dans le Mauger bleu7. Dans les années 50, tributaires du behaviorisme, apparaissent les méthodes audiovisuelles ‒privilégiant la langue orale‒ utilisant encore une langue standard, neutre et sans émotion. Par ailleurs, ces méthodes se sont peu intéressées par la problématique culturelle de la langue. Notons également que les stéréotypes et les préjugés restent encore des obstacles à la connaissance d’Autrui8. Il y a un réel décalage entre ce qu’on saisit de l’Autre et la réalité inhérente à l’individu. De toute évidence on ne voit pas l’Autre comme il se voit. La connaissance de l’Autrui culturel repose encore sur le lointain et l’exotisme, il est perçu comme un objet figé, au détriment de la relation « Eux-Nous » reposant sur le quotidien, ce qu’on appellera plus tard l’interculturel que nous expliquerons infra.

Dans les années 70, apparaît la deuxième génération des méthodes audiovisuelles où les dialogues sont plus proches de la réalité et visent à développer une compétence de communication. Mais on y retrouve un manque de naturel et des personnages avec peu de réalité psychologique. Dans la seconde moitié des années 70, les méthodes fonctionnelles constituent un passage de la langue standard à l’utilisation de sous-codes9. Une certaine réalité française apparaît mais elle n’est que partielle. Il faut alors répondre davantage aux exigences communicatives des étudiants avec la recherche d’une authenticité de la langue, des moyens linguistiques directement utilisables en situation de communication et l’autonomie d’apprentissage. L’approche communicative permet alors une nouvelle réflexion quant à l’enseignement de la culture dans les manuels de FLE. Dorénavant, comme le souligne Galisson10, il est nécessaire de différencier la « culture savante » provenant des livres, de la « culture comportementale » qui permet d’accéder à la communication de la vie courante. On privilégie le terme « culturel » autrement dit la culture quotidienne, sur la notion de « cultivé » ou culture érudite. Afin de développer une compétence de communication, l’apprenant est alors amené à découvrir la réalité socioculturelle qui sous-tend tout énoncé linguistique. C’est pourquoi on abandonne le mot civilisation (impliquant la supériorité d’une société s’érigeant en modèle universel) au profit de culture (définit comme une pluralité des systèmes ayant tous la même dignité). Cette distinction établit par Norbert Elias11 permet, dans le domaine de l’éducation, d’apprendre à reconnaître les différences de l’Autre et à les respecter. Il faut alors accepter les diversités culturelles et appréhender l’Autre et le moi dans un contexte donné12. L’Autre n’est plus seulement le récepteur d’un discours mais un sujet à part entière avec qui il est possible de communiquer, d’échanger et d’interagir13. C’est ainsi que le terme « interculturel » apparaît et commence à prendre toute sa valeur. Le Conseil de l’Europe14 définit « l’interculturel » comme suit :

L’emploi du mot ‟interculturel” implique nécessairement, si on attribue au préfixe ‟inter” sa pleine signification, interaction, échange, élimination des barrières, réciprocité et véritable solidarité. Si au terme ‟culture” on reconnaît toute sa valeur, cela implique reconnaissance des valeurs, des modes de vie et des représentations symboliques auxquels les êtres humains, tant les individus que les sociétés, se réfèrent dans les relations avec les autres et dans la conception du monde.

Dans les années 80, avec la publication d’articles et d’ouvrages de spécialistes comme Louis Porcher, Geneviève Zarate ou Martine Abdallah-Pretceille, l’interculturel est introduit dans le domaine du FLE. Apprendre une langue étrangère, ce n’est plus seulement acquérir un moyen linguistique autre que sa langue maternelle, c’est aussi apprendre à comprendre l’Autre et son comportement, et à adapter le nôtre. Selon l’approche interculturelle, la compréhension de la culture cible favorise une meilleure compréhension de la culture source, et inversement. Les cultures constituent des entités en perpétuelle mutation et en interaction les unes avec les autres. C’est pourquoi depuis quelques années, l’apprentissage des langues étrangères constitue un lieu de réflexion privilégié sur le dialogue entre les cultures. Il s’agit de s’ouvrir à d’autres mentalités et de percevoir à travers des êtres humains, des mœurs, des comportements, des habitudes, l’expression de cultures hétérogènes. Toutefois, l’individu est un être communiquant qui dépend non seulement de ses origines mais de ses relations et échanges. Abdallah-Pretceille (1996) remarque que c’est justement dans la relation que les cultures prennent sens.

Concernant les manuels de FLE, ils présentent aujourd’hui les aspects culturels liés à la langue par l’approche communicative et actionnelle ainsi que l’interculturel et non plus par les monuments littéraires immuables. Comme le dit Abdallah-Pretceille15: « La langue est aussi une modalité d’expression de la culture et un médiateur de l’identité. »

L’exploitation de l’interculturel en classe de FLE: contextualisation

Le type de public et les besoins des apprenants

Les besoins langagiers des apprenants et leur motivation changent au cours de l’apprentissage de la langue française. Il est alors indispensable de les identifier, les prendre en compte pour définir les objectifs d’apprentissage et trouver des stratégies adaptées. Ceux-ci sont bien au cœur de la didactique16 et prennent forme, en ce qui nous concerne, au sein d’un syllabus comprenant l’agencement des séquences pédagogiques.

Notre public est constitué d’étudiants universitaires équatoriens, hispanophones, maîtrisant pour la plupart l’anglais. Pour ce qui est de l’apprentissage du français, nous distinguons des apprenants captifs (pour qui le français est une matière obligatoire) et seront certainement amenés à utiliser le français dans leur domaine professionnel (notamment les étudiants de la faculté de tourisme) et aussi des apprenants non-captifs (apprenant le français par choix personnel)17 qui expriment le désir de se rendre en France afin d’y poursuivre des études ou d’y découvrir une autre culture. Dans le cas d’un voyage dans un pays francophone, les apprenants seront en immersion dans la culture de la langue cible. Or, l’acquisition d’une compétence interculturelle, comme le préconise le CECRL, permet notamment aux apprenants de communiquer avec des natifs lors de séjours à l’étranger, en adaptant leurs comportements et attitudes langagières d’origine à ceux de la culture cible. La classe de FLE à l’UEES à Guayaquil, en Équateur, doit permettre, dans la mesure du possible, de préparer les apprenants aux rencontres interculturelles en les aidant à se décentrer de leur propre culture et à s’ouvrir aux autres en les comprenant mieux afin d’arriver à co-agir et coopérer lorsque les deux cultures sont confrontées.

Du niveau A au niveau B: le renforcement des acquis langagiers, culturels et interculturels

Tout d’abord, pour élaborer le cours de FLE de niveau B, il faut déterminer le(s) but(s) linguistique(s), culturel(s) et interculturel(s) que l’on souhaite atteindre. Comme nous l’avons mentionné auparavant, notre objectif est de créer des contextes communicatifs répondant aux besoins linguistiques des apprenants sans pour autant négliger la connaissance de la culture (française et francophone) et la compétence interculturelle. En ce qui nous concerne, les objectifs linguistiques sont ceux qui se réfèrent à la grammaire, au lexique et à la phonologie. Les objectifs culturels et interculturels sont liés, mais sont traités de manière indépendante. Les premiers renvoient à la maîtrise de notions inhérentes à la culture française. Les seconds désignent l’adaptation à la culture de l’Autre. Pour illustrer nos propos, prenons comme exemple l’objectif linguistique suivant : « Organiser un discours cohérent grâce à l’utilisation des articulateurs logiques, argumenter et convaincre ». Nous avons décidé de contextualiser cet objectif en choisissant la période historique des événements de mai 1968, le but étant de travailler sur le discours contestataire qui lui est associé. Les apprenants sont ensuite amenés à interagir avec la culture française, la francophonie et plus exactement avec la culture de l’enseignante native, d’origine parisienne. Il s’en suit un dialogue entre les deux cultures (cible et source) où, par exemple, nous demandons aux étudiants de comparer avec la situation à cette même époque dans leur pays. Aussi, nous mettons en place des mini-débats en classe comme moyen d’interaction. Nous cherchons donc à développer une conscience interculturelle et à assurer l’acquisition de cette compétence tout en renforçant la compétence linguistique par l’approche actionnelle. Les objectifs culturels et interculturels que nous proposons dans notre cours de FLE sont alors fixés à partir des objectifs linguistiques que nous avons définis au préalable.

D’après le CECRL, au cours des stades dits élémentaires (A1-A2), les apprenants ont découvert l’interculturel grâce à des éléments culturels facilement reconnaissables par tous comme l’architecture, les vêtements, les symboles, les manières et les habitudes des français. On transmet des informations pratiques et touristiques sur la France et la francophonie ainsi que quelques traits spécifiques de la société française. Pour ce faire, nous avons utilisé le manuel Alter Ego +18 où la découverte de ces aspects s’est faite selon l’approche actionnelle par le biais de tâches réalisées par un apprenant qui devient davantage actif que passif. Il est alors habitué, au cours de son apprentissage, à échanger avec la culture cible. Après 350 heures de cours correspondant à 7 niveaux, les apprenants de l’UEES sont confrontés à des situations de communication où ils doivent percevoir la culture de l’Autre et interagir avec elle. A présent, nos étudiants se renseignent sur les coutumes et les mentalités des Français, termes que nous utilisons au pluriel afin de désigner les singularités qui les composent. Pour pouvoir communiquer il faut non seulement apprendre la langue de l’Autre (compétence linguistique) mais aussi partir à la recherche des implicites qui s’y sont inscrits. Pour un niveau B1-B2, nous devons alors peaufiner ces implicites culturels qui conditionnent notre comportement comme les relations, les sentiments, les valeurs, les croyances, les gestes. Les apprenants peuvent ainsi faire un usage approprié de la langue et commencent à percevoir la langue cible comme une culture cible.

Les contraintes liées au contexte d’enseignement : peu de contact avec la culture cible et persistance des stéréotypes

Étant donné que la culture française et l’équatorienne n’ont pas de contact direct, nous avons ensuite cherché à savoir comment établir une interaction entre la culture cible et la culture d’origine de nos apprenants. Il s’agit ici d’un apprentissage du français comme langue étrangère (et non comme langue seconde, FLS) ce qui implique que les apprenants possèdent d’autant moins d’informations sur la culture française. C’est pourquoi au moment d’élaborer le cours de niveau B1-B2, nous avons essayé d’offrir un parcours varié et enrichissant avec des contenus historiques, linguistiques et culturels propres à la culture française.

Il est vrai que le FLS a bien une autre finalité. L’Education Nationale française définit le FLS comme la langue qui, en France, permet à l’élève d’accéder à une qualification. Le sigle FLS pourrait alors signifier Français Langue de Scolarisation car il permet de communiquer mais aussi de suivre des cours19. L’apprenant est en immersion, intégré dans des classes ordinaires et il est imprégné peu à peu de la culture française. Dans ce cas, le français est considéré comme une langue transitoire, un intermédiaire. Le FLS assure ainsi le passage du FLE à la langue maternelle avec une maîtrise parfaite de la langue et la prépondérance de l’écrit.

Dans notre contexte équatorien, l’espace classe représenterait le « milieu d’immersion » particulièrement délimité de nos apprenants avec un système social qui lui est propre. Pour eux, il est le seul lieu d’interaction possible entre leur culture d’origine et la culture cible. Nous pouvons alors percevoir cet espace comme un milieu social spécifique avec ses codes où s’opère la communication. Par exemple, l’ouverture et la fermeture des séquences pédagogiques s’effectuent à l’aide d’indicateurs utilisés par l’enseignant et reconnaissables par les apprenants. De plus, les partenaires de l’action (enseignant et apprenants) ont des statuts et des rôles différents que nous préciserons par la suite. Les interactions se déroulent souvent dans des situations affectives où s’expriment l’inquiétude, l’intérêt, le désintérêt ou l’agressivité. De plus, dans notre espace classe, nous remarquons que les échanges peuvent prendre des formes variées. A ce titre, Altet20 distingue des épisodes, dénommés séquences pédagogiques dans notre contexte, dit « inducteurs » c’est-à-dire menés par l’enseignant. L’auteure appelle d’autres « médiateurs » où les échanges, les initiatives et les contributions des élèves dominent. Elle nomme les derniers « adaptateurs » ou centrés sur l’apprenant avec une communication interactive et un temps de parole des partenaires identiques. Ce consensus ou travail négocié entre l’apprenant et l’enseignant permet d’établir des stratégies mutuelles d’apprentissage que nous tentons de mettre en place afin de favoriser la discussion en classe et de renforcer le contact avec la culture française.

La classe de langue étrangère est alors un lieu propice pour développer une conscience interculturelle dans le sens où elle permet de reconnaître la similarité, la diversité et l’altérité. Cependant nous ne pouvons nier la présence inévitable et récurrente des stéréotypes qui consistent en une représentation « cliché » d’une réalité. Ce processus a lieu lorsque l’on découvre un pays et une culture. Comme le rappelle Jean-Claude Beacco21, ils ont une valeur identitaire et cognitive. L’observation des productions des étudiants, orales ou écrites, dans la pratique de la classe laisse encore apparaître l’existence d’idées reçues, ainsi que l’absence de connaissances pertinentes du pays de la culture cible. Dans notre démarche didactique, nous proposons de répertorier ces stéréotypes en partant des apprenants, d’ajouter l’apport d’informations culturelles en classe, puis de les opposer et de les comparer entre eux, pour mieux les relativiser. Aller au-delà de ces stéréotypes, surmonter les conflits sans les supprimer implique, nous le pensons, une véritable éducation de l’altérité et de l’interculturalité et une capacité à « jouer le rôle d’intermédiaire culturel entre sa propre culture et la culture étrangère et de gérer efficacement des situations de malentendus et de conflits culturels »22.

Le rôle de l’enseignant

Dans la perspective interculturelle, et plus précisément en Équateur, l’enseignant de FLE occupe un rôle particulier, celui d’un médiateur culturel sachant mettre en place des stratégies pédagogiques. En classe de FLE, il faut établir un dialogue interculturel où le professeur natif entre en jeu comme source de culture. Il aide l’apprenant mais ne peut néanmoins se substituer à lui. Cela implique certaines aptitudes et suppose aussi une formation interculturelle. L’enseignant doit aussi se poser la question sur sa part de directivité dans la classe et comment répartir le temps de communication entre lui et ses apprenants. Pour nous, il s’agit d’interactions pédagogiques avec des échanges en classe entre le professeur et les étudiants (réciprocités) qui finalisent par un apprentissage où l’émetteur modifie l’état de savoir du récepteur. Toutefois, les stratégies des élèves et la situation déterminent les actions des enseignants et inversement, les activités des élèves sont transformées par les interactions enseignant-élèves et les attentes de l’enseignant dans un contexte donné. Rappelons que l’apprenant est un individu et non un sujet collectif. Comme le souligne Qian23, « l’intention et les représentations des émetteurs et des récepteurs conditionnent la diffusion et l’interprétation du message ». Altet24 parle aussi d’un ajustement entre apprenants et enseignant afin d´éviter les difficultés en classe.

De plus, étant donné que l’enseignant représente la culture cible, il faut prendre en considération sa personnalité et ses caractéristiques personnelles. Ces implicites influencent forcément l’acte pédagogique et les contenus enseignés car l’enseignant, en tant qu’être social, n’est pas neutre. Il a un passé, une histoire qui le conditionnenet répercutent sur sa manière d’enseigner. Nous pouvons ici établir un parallèle avec la psychopédagogie de la communication apparue avec Édouard Claparède en 1906 qui correspond à une pédagogie prenant en considération des facteurs psychologiques dans l’acte éducatif.

Dans notre contexte, la démarche proposée préconise que le professeur fasse tout d’abord découvrir aux apprenants les instruments linguistiques grâce à la démarche actionnelle où l’action des apprenants est première, ceci permettant de répondre à leurs besoins. Ensuite, nous cherchons à mettre en contact les deux cultures, afin que s’opère un dialogue, par l’introduction de contenus culturels, d’interactions verbales et non-verbales, qui permettent de mettre en pratique les objectifs linguistiques et d’apprentissage. Ainsi, l’apprenant peut s’approprier la culture de l’Autre et interagir. Cette démarche interculturelle fait que l’enseignant organise avec ses apprenants des activités de découverte et de recherches au moment d’étudier un document précis par exemple. Il évite de considérer un ensemble fermé de connaissances. Selon Morlat25, il établit une sorte de « conversion culturelle », une relation entre la culture maternelle et la culture étrangère.

Expériences d’enseignement en niveau B

Les trois expériences qui suivent traitent de trois moyens qui, selon nous, ont facilité l’acquisition d’une compétence interculturelle : l’une fait appel à l’histoire, l’autre au lexique et la dernière aux sentiments. Pour ce faire, nous avons travaillé avec des documents authentiques pour l’enseignement de la civilisation qui, pour nous, sont une source de motivation pour les apprenants qui n’ont pas beaucoup de contact direct avec la culture cible et la francophonie. Toutefois, en classe de langue, l’intérêt d’utiliser ces documents consiste principalement en la pédagogie pratiquée, plus que sur les documents eux-mêmes car nous devons bien les incorporer dans un cadre méthodologique cohérent et définir précisément les objectifs : d’une part, ils permettent d’introduire le linguistique et d’autre part le contenu culturel et interculturel du cours en les considérant comme une ouverture sur la France, sa civilisation, sa culture et la francophonie en général. Pour interpréter le document de civilisation proposé, nous passons par une activité linguistique et par la connaissance du contexte socio-culturel de la culture cible. Dès lors, l’apprenant est considéré un acteur social, dans une culture donnée et c’est donc à travers ses représentations personnelles qu’il décode la réalité étrangère26. Qian émet une réserve et indique que l’enseignant doit cependant trouver un équilibre entre l’exploitation des documents pédagogiques et authentiques, en employant ces derniers en fonction des objectifs du cours, du public visé et de sa propre compétence en la matière27.

L’interculturel et l’histoire

Pour la première expérience, nous avons utilisé l’histoire comme instrument permettant de saisir l’origine de phénomènes actuels, la vision du monde et la structure mentale d’un pays. Toutes les cultures se transforment et il est nécessaire de suivre le cours de leur évolution, le présent s’éclairant à la lumière du passé.

Dans notre démarche didactique, les apprenants apprennent d’abord à tenir un discours cohérent et argumenté qu’ils pourront ensuite étoffer avec leurs propres idées et grâce à la découverte de l’aspect culturel et historique du cours par le biais de documentaires et documents authentiques, le discours contestataire au cœur des événements de mai 1968, et ses conséquences dans notre société occidentale. Sachant que nous centrons notre enseignement sur l’actionnel, nous incitons les étudiants à faire en amont des recherches sur le sujet donné. L’enseignant les organise ensuite au sein du cours, en faisant des débats et des discussions libres. Ces stratégies pédagogiques ont pour but de faire identifier le type de discours utilisé à cette époque au sein du message de revendication. Nous demandons à nos apprenants de trouver des indices textuels qui leur permettront dans un premier temps d’appréhender l’architecture globale du discours, puis de formuler des hypothèses sur leur interprétation du texte et enfin de les vérifier par une étude approfondie. Comme le souligne très justement Abdallah-Pretceille28 « ce n’est donc pas la langue qui témoigne des spécificités culturelles, mais c’est le discours, c’est l’usage que les individus font de la langue qui est porteur de sens. Autre détour pour dire que, sans la médiation des individus, les cultures n’existent pas. ». En d’autres termes, le langage se pluralise en fonction des individus et des contextes.

Nous établissons aussi une situation d’interaction où les apprenants comparent avec la situation politique de leur pays et les mentalités à cette même époque. Enfin, nous passons à l’activité de production où les apprenants choisissent une cause à défendre dont les revendications sont en rapport avec leur culture nationale. Ils créent une association ou un mouvement syndicaliste sur le modèle français et décident de faire la grève. Ils rédigent :

  1. d’une part une lettre de contestation avec le ton adéquat où le message doit être clairement articulé, et
  2. d’autre part, ils produisent un tract avec un slogan accrocheur en relation avec leurs revendications.

Les apprenants sont ici dans une perspective actionnelle, ils effectuent une tâche. Ils ne jouent pas un rôle mais exposent leurs propres idées. Le professeur n’intervient quasiment pas. Chaque groupe expose enfin son travail devant le groupe classe. Cela débouche sur un débat ou une confrontation des opinions qu’il faudra alors défendre.

L’interculturel et la langue

La deuxième expérience consiste à se familiariser avec un phénomène linguistique actuel, le langage des jeunes français, après avoir découvert, toujours par le biais de documents authentiques, la question de l’immigration et de l’intégration en France qui nous permet d’introduire le problème des banlieues et l’aspect linguistique qui lui est lié, c’est-à-dire le langage des jeunes des cités comme l’expression d’une culture et/ou subculture. Porcher29 explique que l’un des paramètres pour décrire une compétence culturelle est de contempler la culture et ses subcultures comme un tout, fonctionnant ensemble. Ainsi, considérer une culture étrangère c’est voir quelles sont les subcultures qui la composent.

Il s’en suit une réflexion et comparaison sur l’usage de l’argot en Equateur, provoquant l’enthousiasme dans le cours de FLE quand la langue des apprenants devient objet de discussion en classe, réflexion faite par Armand & Dagenais30. Le lexique représente un lieu privilégié de culture dans la langue et satisfait les besoins de communication des individus qui partagent la même expérience à un moment déterminé. Les mots reflètent les mœurs et la vision du monde d’un peuple. Il y a un impact motivationnel des mots et nous avons pu constater que l’attention des étudiants se ranime à partir du moment où ils parviennent à déceler derrière un ensemble de sons, un monde qui, par cette langue, communique et s’exprime. La langue devient alors une réalité vivante éloignée d’une conception scolaire, dotée d’une dose de transgression contenue dans les mots argotiques, mais surtout elle signale l’appartenance à un groupe de pairs. Le but ici est de comprendre des gens et leur culture par le biais de leur langue, d’entrer en contact avec eux, de retrouver dans leur comportement et dans leur mentalité des éléments familiers, d’en découvrir de nouveaux. Ceci va mobiliser leur intérêt.

Dans notre démarche didactique, nous proposons aux apprenants une réutilisation de ce vocabulaire familier grâce à une activité de production de dialogues autour de sujets de la vie quotidienne. Nous laissons place à l’improvisation étant donné qu’il s’agit d’un niveau avancé. Pour finir, nous regardons un film sur la thématique des banlieues (Entre les Murs, La Haine, L’Esquive etc.). Notre préoccupation est de rendre ici l’apprentissage actif et d’intéresser nos étudiants en utilisant la capacité des medias qui, comme l’indique Porcher31 « façonnent nos modes de pensée, nos réflexes, nos manières de voir ».

L’interculturel et l’expression de sentiments

Une dernière expérience concerne l’étude des sentiments en FLE. En effet, leur intonation, leurs expressions et leurs intentions ne sont pas les mêmes selon les langues et les cultures et adopter ce langage sensitif, s’approprier certains gestes appartenant à des codes sociaux et culturels différents, c’est pouvoir communiquer pleinement avec une personne native. En outre, lors de la maîtrise d’une langue étrangère, il pourra arriver, dans une même situation donnée, de se sentir profondément heureux dans une langue, mais juste satisfait dans une autre langue. Il s’agit pour les apprenants d’identifier des implicites culturels afin qu’ils prennent conscience des connotations culturelles. Morlat32 explique que l’apprenant découvreaussi des aspects de son identité qu’il n’avait pas encore eu l’occasion d’explorer : sa qualité d’étranger lui est renvoyée par le regard de l’autre. Nous sommes donc totalement au cœur de la problématique de l’interculturel.

Notre objectif dans le cours de FLE que nous avons créé est de savoir exprimer et décrire de façon nuancée des émotions en langue française. Pour ce faire, les apprenants expliquent d’abord comment ils expriment en mots ou en gestes certains sentiments dans leur langue maternelle car une bonne maîtrise de sa culture maternelle est la base pour comprendre une culture étrangère. Comme le signale Qian33, il est alors légitime, dans une approche interculturelle, de traiter la culture de la langue cible dans la langue maternelle de l’apprenant, identifiée comme la culture source. Afin d’enseigner la civilisation, comme le préconise Porcher34, nous mettons l’apprenant en position d’initiative par le biais d’une méthodologie comparative qui permet d’atteindre un double objectif : d’une part d’apprendre à connaître la culture étrangère (dans notre contexte, la culture française) et d’autre part sa propre culture.

Puis, dans notre démarche didactique, les apprenants découvrent le vocabulaire des sentiments et les expressions idiomatiques en français par l’intermédiaire d’œuvres issues de la culture populaire française (Un Air de famille, Le Père Noël est une ordure), ceci afin de contextualiser l’apprentissage. Avec l’étude de ce lexique, force est de constater que, même si les sentiments sont universels (les six émotions primaires : la colère, le dégoût, la surprise, la peur, la joie, la tristesse), la façon de les exprimer ne le sont pas et varie selon les cultures et leur vision du monde. C’est ce que révèlent les expressions idiomatiques, comme avoir une peur bleue qui ne peut pas être traduit littéralement dans la langue de l’apprenant. Afin de l’aider à saisir le sens, nous lui associerons une indication non verbale. Comme l’indique Cavalla35, l’intonation et le geste utilisés pour exprimer cette émotion dévoileront quelque peu sa signification. Les apprenants mettent ensuite en pratique le vocabulaire lors de jeux de rôles et d’ateliers d’écriture. Cette réutilisation immédiate déclenche et facilite le processus d’apprentissage/acquisition du lexique.

En ce qui concerne le contexte équatorien, nous observons une continuité au niveau de l’expression des émotions entre la culture cible et la culture d’origine car nos deux cultures sont dites « affectives », c’est-à-dire, comme le fait remarquer Bartlov36, elles admettent les attitudes subjectives et ceci favorise l’interaction. Les « neutres », au contraire, privilégient les attitudes objectives et évitent d’exprimer leurs sentiments. Les styles de communication verbale et plus particulièrement les rythmes de communication sont représentatifs de ces deux façons de gérer les sentiments. Si les sociétés à culture neutre voient les changements de ton comme un manque de maîtrise de soi, les pays latins, quant à eux, considèrent que l’interlocuteur prend son rôle à cœur.

Conclusion

Dans le domaine du FLE, l’introduction de la notion d’interculturel a modifié l’enseignement de la civilisation/culture et l’apprentissage des langues étrangères en général. Dorénavant, il s’agit pour l’apprenant de se décentrer de sa propre culture afin d’avoir une distance critique par rapport à celle-ci ; puis, de découvrir celle de l’Autre afin de les rapprocher.

Dans cet article, à partir de ce contexte équatorien, nous avons vu qu’il est primordial de considérer le type de public et ses besoins spécifiques dans le but de créer un environnement favorable à l’acquisition de la compétence interculturelle. De même, l’analyse des contraintes liées au milieu d’enseignement nous a aussi permis, nous le pensons, d’adapter nos stratégies pédagogiques à la réalité de nos apprenants. Il s’en suit une remise en question du statut de l’enseignant, désormais perçu comme un médiateur, représentant la culture cible.

Les trois expériences que nous avons proposées ‒mettant en jeu respectivement l’histoire, la langue et les sentiments‒ ont pu illustrer nos propos, présentant trois moyens d’acquisition de la compétence interculturelle et favorisant l’interaction avec des francophones, notamment avec des français. Il va de soi que la présente contribution n’est qu’un point de départ pour de futures études empiriques : la mise en place d’une étude de cas avec un groupe échantillon et un groupe contrôle s’impose afin de confirmer ou infirmer l’efficacité de ce que nous préconisons.


1 Received: 4 de abril de 2014; accepted: 5 de marzo de 2015. “The Challenge of Intercultural Perspectives in a FFL Course. An Experience in Ecuador.”

2 Facultad de Estudios Internacionales. Correo electrónico: marioning@gmail.com

3 Par « espace classe » nous entendons l’espace physique de la salle de cours, délimitée par ses quatre murs. Pour nous, « l’espace d’échange » désigne l’espace dans lequel se produisent les discussions entre les apprenants et l’enseignant au cours de la séance pédagogique.

4 Nous retiendrons l’écriture de « l’Autre » avec une majuscule. Comme l’explique Spaëth (« La question de l’Autre en didactique des langues », GLOTTOPOL 23 (2014) : 160-161), cela désigne un inaccessible, un impensable ; tandis que l’autre, avec une minuscule, était pensé comme un alter ego en philosophie.

5 Par «culture cible» nous entendons celle qu’on apprend ; par « culture source » nous désignons celle de l’apprenant, autrement dit sa culture d’origine.

6 M. D. Carlo, L’interculturel (Paris : CLE International, 1998) 13-51.

7 G. Mauger, Cours de langue et de civilisation françaises, t. I-IV (Paris : Hachette, 1953-59).

8 Nous considérons le terme « Autrui » un synonyme de « l’Autre ». Nous utilisons la majuscule pour les mêmes raisons mentionnées supra.

9 R. Galisson, D’hier à aujourd’hui la didactique générale des langues étrangères (Paris : CLE International, 1980) 24.

10 R. Galisson, « Institution cherche discipline qualifiée pour promouvoir langues-cultures. Urgent » (Paris : Centre de documentation de l’ERADLEC Paris-III, 1992) 2.

11 N. Elias, La civilisation des mœurs (Paris : Calmann-Lévy, 1973) 11.

12 Y. Qian ian, « Interculturalité et documents authentiques en classe de FLE : une expérience chinoise », Synergies Canada 2 (2010) : 4.

13 Abdallah-Pretceille, 130.

14 Conseil de l’Europe, L’Interculturalisme : de l’idée à la pratique didactique et de la pratique à la théorie (Strasbourg, 1986).

15 M. Abdallah-Pretceille, « Langue et identité culturelle », Enfance 44, 4 (1991) : 306.

16 Qian, 1.

17 Distinction faite par Janine Courtillon, Elaborer un cours de FLE (Paris : Hachette, 2003).

18 A. Berthet, E. Daill, C. Hugot, V. Kizirian, M. Waendries, Alter Ego + A1 (Paris : Hachette Français Langue Etrangère, 2012).

19 G. Vigner, Enseigner le français comme langue seconde (Paris : CLE International, 2001).

20 M. Altet, « Comment interagissent enseignant et élèves en classe ? », Revue française de pédagogie 107 (1994) : 132.

21 J.-C. Beacco, Les dimensions culturelles de l’enseignement des langues (Paris : Hachette, 2000).

22 Conseil de l’Europe, Les Langues vivantes : apprendre, enseigner, évaluer : un Cadre européen commun de référence. Projet 2 d’une proposition de cadre (Strasbourg, 1996) 45.

23 Qian, 2.

24 Altet, 136.

25 J.-M. Morlat « L’approche interculturelle en classe de Français Langue Etrangère » (on-line, consulté le 14 août 2014), <www.edufle.net/jean-Marcel-Morlat>, 2009.

26 Morlat.

27 Qian, 5.

28 Abdallah-Pretceille, 307.

29 L. Porcher, « L’enseignement de la civilisation », Revue française de pédagogie 108 (1994) : 9.

30 F. Armand et D. Dagenais, « S’ouvrir à la langue de l’autre et à la diversité linguistique », Education Canada 58 (2012) 30.

31 Porcher, 9.

32 Morlat.

33 Qian, 4.

34 Porcher.

35 C. Cavalla, « Lexique et représentation des sentiments », Former les professeurs de langues à l’interculturel. À la rencontre de différents publics (Louvain-la-Neuve, Cortil-Wodon : E.M.E, 2006) 11.

36 Katerina Bartlov, L’analyse de la culture d’entreprise française. Mémoire de Master (Université de Palacky d’Olomouc, 2013) 19.


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